Poursuivant une réflexion sur les sciences du langage au XVIIIe siècle entamée avec De la grammatologie (1967), Derrida propose ici une lecture en partie double de L’Art d’écrire de Condillac. Mais à la différence de Glas, dont les deux colonnes confrontent un philosophe (Hegel) à un auteur littéraire (Genet), Le Calcul des langues confronte Condillac à lui-même. Si la colonne de gauche propose une exégèse plutôt conventionnelle et méthodologique de L’Art d’écrire, celle de droite divague sans cesse, multipliant les digressions en direction de Freud et d’autres penseurs, à la recherche d’un plaisir de l’écriture qui échapperait à la philosophie.
Lecture de Condillac en deux colonnes, donc, mais aussi en « deux styles » comme l’indique le sous-titre (« Distyle »), cet ouvrage tout à fait singulier dans le corpus derridien donne à lire l’une des plus belles expérimentations de l’écriture déconstructrice.
Le texte a été établi par Geoffrey Bennington et Katie Chenoweth.
Philosophe et écrivain français né en Algérie en 1930, Jacques Derrida est l’auteur d’une œuvre monumentale au cœur de laquelle se trouve le concept de « déconstruction » : le geste déconstructeur consiste à passer au crible les thèses de la Métaphysique en traquant les présupposés de la parole dans le corpus de la philosophie occidentale. Devenu le philosophe français le plus étudié dans le monde, il meurt à Paris fin 2004.