Lettres persanes (Complete)

C'est dans Michelet qu'il faut chercher la peinture sur le vif de cette ruine pleine de vie, oð, parmi les scandales de l'agiotage qui _touffa dans son germe la gigantesque entreprise de Law, parmi les intrigues traÓtresses des bätards auxquels Louis XIV avait voulu livrer la minorit_ de Louis XV, M. le Duc, un Cond_ rapace, roi du systðme, qui se disait pauvre avec un grand gouvernement et dix-huit cent mille livres de rentes, un Dubois pourri de vices et de ruse, des Tencin mäle et femelle, gouvernaient un fouillis de petits abb_s, de laquais enrichis, de grands seigneurs et de courtisanes que la sp_culation mðlait dans la fraternit_ du ruisseau Quincampoix. Les castes s'effaðaient. Per fas et nefas, il se formait une nation avide d'une vie nouvelle, pleine de m_pris et de haine d_jö contre les parasites sociaux acoquin_s sur la patrie. La R_volution se faisait; par en haut; dans la bourgeoisie lettr_e et la petite noblesse de robe; mais elle se faisait.

‚Le siðcle, dit Michelet, demandait, d_sirait un g_nie qui tranchät nettement dans le temps, partÓt de l'_cart absolu, qui surtout allät droit ö la question fondamentale, la question religieuse, ne cherchät pas, comme les utopistes d'alors, de vains raccommodages pour une machine plus qu'us_e.é

Notez que le catholicisme expirant se signalait encore par d'horribles exploits; que la r_vocation de l'_dit de Nantes, les dragonnades, les missions bott_es, la pers_cution des jans_nistes venaient de d_peupler le centre de la France, de ruiner l'industrie; qu'en 1721 (l'ann_e des Lettres persanes) l'inquisition br_lait ö Grenade neuf hommes et onze femmes; que, vers le mðme temps, les protestants de Thorn p_rissaient tortur_s ‚dans des supplices exquis;é que les parlements de Paris, de Rouen, de Bordeaux, tenaillaient et br_laient les libertins, libres penseurs du temps; que le Chäteau-Trompette, oð l'on ne pouvait se tenir ni debout ni couch_, n'avait rien ö envier aux effrayants in pace de l'inquisition.