Le changement avait t radical en effet, et l'tonnement public avait d tre grand. Depuis plus de deux sicles, la France s'tait habitue regarder l'Autriche comme son ternelle rivale. Libre du ct de l'Angleterre qui, pendant tout le Moyen ge, avait t l'ennemie hrditaire, mais que la glorieuse pope de Jeanne d'Arc et, plus tard, la prise de Calais par Franois de Guise avaient dfinitivement rejete de l'autre ct de la Manche, elle avait eu, depuis le commencement des temps modernes, dfendre non pas seulement sa puissance, mais son existence mme contre la double treinte des Habsbourg, qui, par leurs deux branches, d'Espagne et d'Autriche, la resserraient au Nord, au Midi et l'Est. Briser cette ceinture qui nous touffait, repousser au del de nos frontires naturelles les postes avancs que le roi d'Espagne d'un ct, l'Empereur de l'autre avaient sur le territoire national, reprendre la libert de nos mouvements et assurer la couronne de France Çle rle suprieur qui convenait son anciennet, sa dignit et sa grandeurÈ, tel avait t le but poursuivi, avec une patiente obstination et une habilet patriotique, par les princes qui, depuis Franois Ier, s'taient succd sur le trne et les grands ministres qui les avaient servis. Un moment dissimule plutt que suspendue par les troubles religieux sous les derniers Valois, la lutte avait repris avec plus d'clat et de force sous les Bourbons. Ce combat pour la vie avait t l'origine d'alliances qui avaient d coter au Roi Trs Chrtien, mais que la ncessit avait imposes: l'alliance avec le sultan et avec les protestants d'Allemagne et de Hollande qui, ennemis de l'Espagne et de l'Autriche, taient naturellement pour nous d'utiles auxiliaires. Et c'est ainsi que, sous la protection de la France, s'tait fonde et dveloppe la grandeur des Hohenzollern, qui, d'lecteurs de Brandebourg, taient devenus rois de Prusse.Ê