LŽlia

· Library of Alexandria
Liburu elektronikoa
381
orri
Egokia
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Il est rare quÕune Ïuvre dÕart soulve quelque animositŽ sans exciter dÕautre part quelque sympathie; et si, longtemps aprs ces manifestations diverses du bl‰me et de la bienveillance, lÕauteur, mžri par la rŽflexion et par les annŽes, veut retoucher son Ïuvre, il court risque de dŽplaire Žgalement ˆ ceux qui lÕont condamnŽe et ˆ ceux qui lÕont dŽfendue: ˆ ceux-ci, parce quÕil ne va pas aussi loin dans ses corrections que leur systme le comporterait; ˆ ceux-lˆ, parce quÕil retranche parfois ce quÕils avaient prŽfŽrŽ. Entre ces deux Žcueils, lÕauteur doit agir dÕaprs sa propre conscience, sans chercher ˆ adoucir ses adversaires ni ˆ conserver ses dŽfenseurs. Quoique certaines critiques de LŽlia aient revtu un ton de dŽclamation et dÕamertume singulires, je les ai toutes acceptŽes comme sincres et parlant des cÏurs les plus vertueux. A ce point de vue, jÕai eu lieu de me rŽjouir, et de penser que jÕavais mal jugŽ les hommes de mon temps en les contemplant ˆ travers un douloureux scepticisme. Tant dÕindignation attestait sans doute de la part des journalistes la plus haute moralitŽ jointe ˆ la plus religieuse philanthropie. JÕavoue cependant, ˆ ma honte, que si jÕai guŽri de la maladie du doute, ce nÕest pas absolument ˆ cette considŽration que je le dois. On ne mÕattribuera pas, je lÕespre, la pensŽe de vouloir dŽsarmer lÕaustŽritŽ dÕune critique aussi farouche; on ne mÕattribuera pas non plus celle de vouloir entrer en discussion avec les derniers champions de la foi catholique; de telles entreprises sont au-dessus de mes forces. LŽlia a ŽtŽ et reste dans ma pensŽe un essai poŽtique, un roman fantasque o les personnages ne sont ni compltement rŽels, comme lÕont voulu les amateurs exclusifs dÕanalyse de mÏurs, ni compltement allŽgoriques, comme lÕont jugŽ quelques esprits synthŽtiques, mais o ils reprŽsentent chacun une fraction de lÕintelligence philosophique du XIXe sicle: PulchŽrie, lՎpicurŽisme hŽritier des sophismes du sicle dernier; StŽnio, lÕenthousiasme et la faiblesse dÕun temps o lÕintelligence monte trs-haut entra”nŽe par lÕimagination, et tombe trs-bas, ŽcrasŽe par une rŽalitŽ sans poŽsie et sans grandeur; Magnus, le dŽbris dÕun clergŽ corrompu ou abruti; et ainsi des autres. Quant ˆ LŽlia, je dois avouer que cette figure mÕest apparue au travers dÕune fiction plus saisissante que celles qui lÕentourent. Je me souviens de mՐtre complu ˆ en faire la personnification encore plus que lÕavocat du spiritualisme de ces temps-ci; spiritualisme qui nÕest plus chez lÕhomme ˆ lՎtat de vertu, puisquÕil a cessŽ de croire au dogme qui le lui prescrivait, mais qui reste et restera ˆ jamais, chez les nations ŽclairŽes, ˆ lՎtat de besoin et dÕaspiration sublime, puisquÕil est lÕessence mme des intelligences ŽlevŽes. Cette prŽdiction pour le personnage fier et souffrant de LŽlia mÕa conduit ˆ une erreur grave au point de vue de lÕart: cÕest de lui donner une existence tout ˆ fait impossible, et qui, ˆ cause de la demi-rŽalitŽ des autres personnages, semble choquante de rŽalitŽ, ˆ force de vouloir tre abstraite et symbolique. Ce dŽfaut nÕest pas le seul de lÕouvrage qui mÕait frappŽ, lorsquÕaprs lÕavoir oublie durant des annŽes, je lÕai relu froidement. Trenmor mÕa paru conu vaguement, et, en consŽquence, manquŽ dans son exŽcution. Le dŽnožment, ainsi que de nombreux dŽtails de style, beaucoup de longueurs et de dŽclamations, mÕont choquŽ comme pŽchant contre le gožt. JÕai senti le besoin de corriger, dÕaprs mes idŽes artistiques, ces parties essentiellement dŽfectueuses. CÕest un droit que mes lecteurs bienveillants ou hostiles ne pouvaient me contester. Mais si, comme artiste, jÕai usŽ de mon droit sur la forme de mon Ïuvre, ce nÕest pas ˆ dire que comme homme jÕaie pu mÕarroger celui dÕaltŽrer le fond des idŽes Žmises dans ce livre, bien que mes idŽes aient subi de grandes rŽvolutions depuis le temps o je lÕai Žcrit.

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